mercredi 19 novembre 2008

Chaud devant !

Salut à tous !

Il y avait bien longtemps que je n’avais pas écrit pour le blog, d’une part parce que je suis très pris au niveau du boulot, et d’autre part parce que Julie s’en sort très bien aussi !

Pour les nouvelles : tout se passe bien, Benji est reparti vers Paris, où un boulot de 8 mois l’attend, suivi de… 2 ans en Chine, où il exercera, si tout va bien, en tant qu’ingénieur pour une société française, très connue, qui fait dans le nucléaire et qui a vu en lui une part de l’avenir énergétique français. C’est à se demander sincèrement quels sont leurs critères d’embauche ! M’enfin !

En tout cas, il avait bien le droit de profiter de quelques jours de vacances à Montréal en notre compagnie ! Malheureusement, c’était assez dur de se voir, avec nos emplois du temps « à l’Américaine » (comprenez : « pas de 35h, pas de clause ni de convention collective qui dit que l’on a droit normalement à deux jours de congés consécutifs, et pas non plus de texte de loi qui prévoit un salaire gonflé lorsque l’on travaille le dimanche »). En somme, on a du jongler un petit peu pour pouvoir visiter ensemble la ville, mais le Benji est débrouillard, il a déjà beaucoup voyagé, et il sait se repérer et s’orienter dans une cité qu’il ne connaît pas ! Malgré les contraintes horaires, on a quand même pu se caler un petit week-end à Ottawa pour découvrir la capitale canadienne. Ville sympa sur le plan architectural, mélange de classique et de contemporain… et c’est à peu près tout ! Selon les québécois à qui j’en ai parlé, ils m’ont simplement répondu que c’était parce qu’on venait de Montréal, une « ville de party » (fêtarde).

[Photos à venir]

En tout cas, nous avons eu la chance de dormir en prison, et nous avons même payé pour ça ! Rassurez-vous, nous n’avons rien fait de mal, si ce n’est d’avoir choisi « Ottawa » comme destination sans rien connaître de cette ville, de tous ses attraits gnan-gnan et de ses jeunes absents (ou émigrés). Le « Hi-jail Hostel », est une prison provinciale qui a fermé ses portes (les poooooooooortes du péninteeeeeeeeeeeeeeeencieeeeeeer) en 1970 et des brouettes, et qui accueille désormais des personnes en vadrouille. Tels des Michael Scofield, nous avons résolu l’énigme du placard à 1$, effrayé un chinois qui a vraiment cru voir un fantôme (pff, cette flipette…), et dormi à 6 dans une « cellule » qui fleurait bon le chacal mort au petit matin.

A vrai dire, nous avons choisi Ottawa, car Benji avait déjà visité Québec, et aller jusque Toronto (aussi en Ontario) était vraiment trop cher. Du coup, la décision de partir pour la capitale canadienne s’est plus faite par dépit que par réel engouement pour le musée de la monnaie, le musée de la prothèse dentaire ou encore l’exposition « Ottawa, Ottawa, ah mais t’es là », où nous n’avons, malheureusement, pas mis les pieds.


Au niveau du boulot, j’ai pas mal de choses à vous raconter, alors si ça vous intéresse, je vais vous dresser un petit tableau humoristique et pas (trop) méchant de ce à quoi ça peut ressembler. Je comprendrais parfaitement que vous passiez la lecture de ce papier.

La Casse-gosses

Elle aime savoir exactement ce qu’il y a dans son assiette, et propose toujours sa version personnalisée du plat, avec les milliards de modification qu’elle souhaite y apporter. Même si cela peut paraît simplissime à l’échelle d’une personne (et pas trop gênant dans une bouffe entre amis), ça devient vite un casse-tête en cuisine. Effectivement, tout le monde peut être allergique à tel ou tel ingrédient, mais ce n’est pas ce qui motive la casse-gosses. Elle y trouve une formidable occasion de se démarquer (ou de briser quelque chose de précieux). A l’inverse, les gens allergiques sont souvent très conciliants, et acceptent généralement les alternatives qu’on leur propose. Le pire, c’est qu’elle incite généralement toute la tablée à suivre son exemple. Par contre, ce qui est bien avec ce type de clients, c’est qu’en cuisine, elle nous fait apprendre plein de jurons québécois, parce que le chef se transforme en usine à « sacres » quand elle met les pieds dans la place : « Crisse d’ostie de colisse de tabarnak de marde ! Sans Dessein ! Crisse d’épais !». Avec Eric, le second qui est un « ostie » de français aussi, c’est une formidable opportunité linguistique que nous avons eu là.


Le Roi du Monde

Le Roi du Monde travaille dans la publicité, les assurances ou la finance. Quand il va au restaurant, ce n’est pas pour se faire plaisir, ni pour se sustenter, c’est l’occasion pour lui de révéler à ses collègues à quel point il est fort (et imbécile). Oui je dis « collègues », parce que le Roi du Monde n’a pas d’amis. Il n’a que des relations professionnelles, ou alors il a jeté tous ses potes et arrêté d’inviter sa femme et ses enfants au resto en 1997, jugeant sans doute que l’opération ne lui fournissait pas un retour sur investissement suffisant. Bref, c’est une personne sèche, qui exige d’être servie dans la minute, et qui met une pression internationale sur les serveurs. Ceux-ci, payés une misère au taux horaire, comptent énormément sur les « tips » (les pourboires), qui sont évalués en fonction de la qualité du service et leur permettent une paye équitable. Le client peut, s’il juge le service exécrable, ne pas laisser de tip, ou pire, laisser un « sou noir » (une pièce d’1 centime) pour signifier ouvertement sa grogne. Donc, si vous suivez bien, quand le Roi du Monde râle au bout de 4 minutes parce qu’il a faim ou parce qu’il est de mauvais poil, il enclenche tout un mécanisme obscur : le serveur va se plaindre au chef-cuistot, celui-ci répercute sur son équipe, et ça déclenche une ambiance de travail digne des meilleures cérémonies funéraires. Heureusement, on arrive toujours à s’entendre en équipe, et on relativise quand le Roi du Monde nous renvoie en cuisine sa bavette saignante (alors qu’il l’avait commandée comme ça) et exige qu’elle soit cuite à point.

Le Roi du Monde meurt jeune (parce que stressé), sans famille (elle l’aura renié) et sans ami (parce que c’est un gros con). Ou peut-être il se sera simplement étouffé par un met qu’il aurait du déguster au lieu de l’engloutir comme on engloutirait une pizza réchauffée au micro-ondes.


Le client rêvé

C’est celui ou celle qui vient en couple, le sourire aux lèvres. Il peut avoir 20 ans comme 70, il respire la bonne humeur et l’équilibre. Il ne met aucune pression sur les serveurs, il lâche toujours un petit commentaire agréable quand cela lui plaît, et s’excuserait presque s’il n’avait pas précisé détester le persil ou le basilic. On aime à le voir revenir au restaurant.


La plonge

C’est drôle, quand on est étudiant (et insouciant), on est effrayé par 3 assiettes sales, et on estime que faire la vaisselle après une soirée à la maison, c’est une tâche douloureuse. Oubliez cela. Multipliez tout par mille : la crasse, la quantité de vaisselle à laver, les petits bouts de légumes coincés au fond de l’évier. Voyez cette scène dans Merlin l’enchanteur (quoi ? moi aussi j’ai vu des disney !), où le gamin doit se taper toute la plonge du château et qu’il a un petit coup de main magique... Ca ressemble à peu près à ça. Sauf que là, que nenni, Merlin il pointe pas de baguette, il doit regarder le hockey chez lui à la télé ou checker ses grilles de Loto Québec, mais il n’est pas là pour proposer son aide ! Dieu merci, on a une espèce de machine à vapeur qui fait bien son boulot si tous les plats sont correctement rincés. Toujours est-il que c’est une tâche rébarbative, et faire la plonge en plein service parce que l’on manque de fameuses assiettes rectangulaires sur lesquelles on monte les plats les plus courants, c’est très ennueux. Cela reste la partie obscure de ce travail, malheureusement obligatoire. J’ai tout de même proposé que les clients lèchent d’eux-mêmes leurs assiettes et couverts, mais j’attends la réponse du patron. J’espère toutefois qu’il retiendra l’idée.


La « mise en place »

Dans les émissions de cuisine, la présentatrice a toujours des bols remplis de plein de trucs soigneusement épluchés, coupés en cubes ou en lamelles millimétrées. Quand elle explique la recette de la pâte à chou, elle présente immédiatement des choux qui auront été cuits par des chinois hors-antenne. Nous sommes ces chinois. Et nous ne travaillons pas pour la télé, alors niveau gloire, c’est zéro. Pourtant, on doit tout préparer et prévoir avant que des hordes de rois du monde (et d’autres clients, ça arrive aussi) n’investissent les lieux.

La mise en place, c’est une autre face sombre de la cuisine : c’est une activité que l’on peut trouver intellectuellement reposante lorsque l’on fait la cuisine pour ses amis, sa famille ou pour soi. Dans un resto, c’est ce qui demande le plus de travail, encombre l’espace et nécessite de tout vérifier en permanence. « Adri, t’as tu checké s’il nous restait des pains burgers ? Pis là faudra prévoir des échalotes françaises hachées ». Ah ! Si tout pouvait être aussi simple qu’à McDonald’s !


La préparation et le montage des plats

Après quelques semaines en cuisine, les automatismes sont nombreux, mais il demeure un plaisir immense qui fait que tous les aspects négatifs de ce métier peuvent s’effacer, ou tout au moins s’amoindrir : c’est lorsque l’on touche au cœur de la cuisine, que l’on envoie des légumes qui font « PSCHHHHHHH » dans la sauteuse, que l’on respire l’odeur délicieuse d’un foie gras poêlé ou d’une côte levée à la bière, ou encore que l’on goûte à un tartare de bœuf assaisonné comme il faut. À ce moment précis, plus rien n’existe, le temps semble distendu : le plat que vous « lancez » a quelque chose d’unique. Quelle que soit la quantité de commandes, quel que soit le retard déjà pris, il est impératif de mettre le même amour et le même sens de l’observation dans chaque préparation. Tout le monde le sait, on mange d’abord avec ses yeux, et l’on apprécie d’autant plus une bavette ou un émincé d’endives quand celui-ci « présente bien », a une touche d’originalité au niveau du montage et donne tout simplement envie de le dévorer. C’est aussi là que l’on peut se permettre de se démarquer, en utilisant des formes d’assiettes différentes, en proposant des montages géométriques ou en ajoutant des petites décorations sans toutefois que cela ne prenne trop de temps ni trop d’espace dans l’assiette. Cela peut paraître anodin, et surtout désespérant quand l’on se dit que certaines personnes s’accommoderaient aussi bien d’une présentation « cantine de l’école », si le goût des aliments y est, mais c’est un impératif qui est aussi la signature de chaque cuistot. Alors oui, on s’emballe, on parle de grande cuisine, on fait comme si on marchait sur les traces d’Alain Ducasse ou de Roellinger, mais, pour être très franc, c’est parfois dur d’y mettre du sien quand on sait que les plats qui vont partir auront pour destinataires ces-types-qui-étaient-déjà-là-à-boire-du-whisky-au-bar-à-17-heures, et qui ne doivent plus avoir énormément de papilles encore valides, pas plus que de capacité à juger si un plat est bon ou pas.


Le bilan

En cuisine, on se blesse, on se coupe, on se brûle… en bref, on s’amuse énormément. Et quand on se fait mal, c’est généralement qu’on est à la bourre dans le traitement des commandes, qu’on est « speed », que le client exige d’être servi « rush », ce qui est plutôt « tough », avouez-le ! A chaque petit bobo, quelques précieuses secondes de perdues… et ça devient la catastrophe : vous voyez partir loiiiiiiin vers l’horizon la perspective de cette pause cigarette que vous espériez depuis des heures, elle vous salue au loin en agitant un petit mouchoir blanc, et ne reviendra probablement pas de la soirée.

Le pire dans tout cela, c’est que « les coups de feu » ne sont généralement pas longs (3h maxi), ce sont des épreuves autant morales que physiques, car il faut faire face à la pression de toute part (des serveurs qui tiennent à leur pourboire comme au chef cuisinier qui tient à son emploi !), et dépenser autant d’énergie que pour un marathon. A ce propos, si vous souhaitez un super plan régime : rejoignez nos rangs !

De plus, il faut un moral de fer pour tenir tout seul la cuisine, et faire le « close » (la fermeture), où l’on se retrouve livré à soi-même pendant 2 ou 3 heures, à gérer toutes les commandes, à faire la plonge, à sortir les poubelles, à faire la mise en place pour le lendemain, à vérifier l’état de fraîcheur des sauces et autres pâtes, à prévoir le bon pour le maraîcher, et à parfois hausser un petit peu le ton avec les serveurs pour se faire respecter.

En dehors de ça, je crois que c’est une des plus belles expériences professionnelles qu’il m’ait été donné de vivre. Je ne continuerai pas dans cette voie, car j’ai envie d’avoir une vie sociale (ce qui est impossible quand on finit au plus tôt à minuit en semaine et 1h les fins de semaine), je veux pouvoir profiter de mon séjour à Montréal et ne plus croiser Julie alors qu’elle rentre du boulot (et que moi, j’y vais).


Au final, j’ai donné ma démission à mon chef-cuistot, et je ne travaillerai plus au Helm à compter du 15 décembre, juste avant l’arrivée de mes parents et de ma sœur à Montréal. Ne croyez pas que ce choix s’est fait parce que nourrir ma famille demande autant de travail que nourrir un restaurant entier (même si c’est le cas, je ne le dirai pas par respect pour eux). J’ai tout simplement envie de passer à autre chose, de retourner bosser dans la communication où je verrai la couleur du ciel, je ne me couperai pas les doigts en envoyant des fax et ne me brûlerai pas au deuxième degré en recevant un message sur ma boîte hotmail, je verrai ma chérie et pourrai même fréquenter des gens normaux à des horaires normaux ! C’est-y pas beautiful ?


Allez, en vous remerciant, bonsoir.


5 commentaires:

Sabbio a dit…

Il m'a bien fait rire ce post :) Surtout avec le portrait du roi du monde et toutes les expressions québecoises!

Anonyme a dit…

Quel post ! je vous embrasse tous les deux ! Raynou

Anonyme a dit…

eh ben, quel suspens! Très intéréssant ce petit post, et tellement vrai! j'espère que tu trouveras rapidement un job dans la com'. En attendant, bon courage.
biz

Anonyme a dit…

juste à propos des "pooooooortes du peniiiiiiiiiiiitencier", "House of rising sun" de Grégory Issacs, ça vaut l'écoute....
biz à vous 2

Anonyme a dit…

J'ai tout tout bien lu et ce fut bien enrichissant!!

En tous cas c'est une bonne initiative (au moins on est sûr qu'Adrien ne finira pas comme "le roi du monde" ).
Je suis certaine que vous aurez encore de belles choses à nous faire découvrir!
bisous les amoureux ^^ !!